Monseigneur Jean-Luc Garin est évêque du diocèse de Saint-Claude depuis février 2021 après 24 ans passés comme prêtre de l’archidiocèse de Lille. Le diocèse de Saint-Claude est accompagné depuis quatre ans par Talenthéo dans l’élaboration et le développement d’une nouvelle vision pastorale pour le diocèse.
Quel est votre rôle en tant qu’évêque ?
Mon rôle premier est d’annoncer l’évangile et d’aider tous les baptisés à en vivre, à en témoigner, à découvrir l’amitié avec Jésus et à se laisser conduire par l’Esprit Saint. C’est ce qui m’anime profondément.
L’évêque est au service d’un diocèse, il est aidé par un certain nombre de collaborateurs dans cette mission. Tout l’enjeu est de retrouver la pertinence de cette vocation première dans le contexte actuel d’apparente décroissance de l’Église sur un plan humain et matériel. Pour assurer la pertinence et bien garder la finalité de cette mission, il faut nous faut vivre une conversion dans l’esprit de l’exhortation apostolique du pape François, la joie de l’Évangile. C’est le rôle de l’évêque de l’initier, de l’encourager et de l’accompagner.
Quel a été votre contexte d’arrivée ?
Je suis arrivé dans un diocèse rural, dans le contexte du Covid. Le diocèse étant sans évêque depuis un an, la vie des services diocésains était à relancer et à repenser. Concernant mon presbyterium, j’allais rapidement me retrouver avec moins de 10 prêtres incardinés et une quinzaine de prêtres fidei donum, essentiellement venus d’Afrique, dont il fallait repenser l’accompagnement.
Le diocèse de Saint-Claude est très étendu géographiquement avec certaines zones plus désertiques et d’autres plus densément peuplées. L’établissement d’un plan diocésain unique est difficile, les mêmes intuitions doivent être adaptées en fonction des régions : montagnes, lacs, vignobles et plaines. À titre d’exemple, dans le Haut-Jura il n’y a que quatre prêtres tandis qu’à Lons-le-Saunier ils sont une quinzaine en comptant les fidei donum. Ce ne sont pas du tout les mêmes réalités.
Qu’avez-vous mis en place pour accompagner au mieux vos collaborateurs ?
Tout d’abord je me suis interdit de faire quoi que ce soit pendant un an pour observer, comprendre les spécificités de mon diocèse et ne pas faire de propositions qui ne seraient pas suffisamment ajustées et incarnées vis-à-vis de la réalité jurassienne.
On est sortis de ce qui se faisait pour commencer à envisager l’annonce de l’Évangile et la place des services diocésains de façon différente. Stéphane et Nathalie (coachs Talenthéo) sont pour moi et pour nous de précieux soutiens fraternels, spirituels et professionnels pour nous aider.
Le conseil épiscopal était peu satisfaisant en l’état car tous les sujets y étaient abordés et nous étions constamment mobilisés par les questions urgentes. Ce n’était pas une instance qui me permettait de discerner l’avenir du diocèse. Je me souviens de Stéphane ou Nathalie qui un jour m’ont posé cette question : “Quel est l’organe décisionnel dans ton diocèse ?” Cette question très pertinente m’a obligé à revoir mon organigramme pour redéfinir les responsabilités de chacun. C’est ce qui m’a amené à changer la gouvernance du diocèse.
J’ai commencé par changer les services diocésains en une “ Fraternité de missionnaires diocésains” venue remplacer les responsables de services. Ce n’est pas qu’un simple changement de vocabulaire, c’est un changement de posture et d’état d’esprit. On n’est pas là pour faire tourner un service, on est là pour l’évangélisation de ceux qui ne connaissent pas Jésus.
Création d’une fraternité de missionnaires diocésains
Méthodologiquement, pas à pas, j’ai commencé par changer les services diocésains en une “ Fraternité de missionnaires diocésains” venue remplacer les responsables de services. Ce n’est pas qu’un simple changement de vocabulaire, c’est un changement de posture et d’état d’esprit. On n’est pas là pour faire tourner un service, on est là pour l’évangélisation de ceux qui ne connaissent pas Jésus. Par exemple, au lieu d’avoir un responsable de la catéchèse, j’ai appelé un “missionnaire diocésain pour l’évangélisation des enfants et des adolescents” ou bien au lieu d’avoir un responsable de formation, j’ai embauché un “missionnaire diocésain pour l’évangélisation des adultes”. J’ai souhaité décloisonner ces services pour les faire travailler ensemble sur des projets missionnaires concrets, réalisables et communs.
Création d’un conseil de gouvernance
J’ai créé en parallèle un conseil de gouvernance constitué de deux vicaires généraux et de deux laïcs. Les deux vicaires généraux sont chargés respectivement des prêtres fidei donum et jurassiens. Une laïque, par ailleurs nommée “déléguée générale”, s’occupe des missionnaires diocésains et l’économe, de l’animation des membres de la curie diocésaine. Ensemble on se réunit 2 heures hebdomadairement pour gérer les affaires quotidiennes et urgentes du diocèse.
Un conseil épiscopal dédié à la vision pastorale
Ceci m’a permis de transformer le conseil épiscopal en un lieu de discernement et de mise en œuvre de la vision pastorale. Ses membres m’aident à discerner la vision du diocèse à trois ans et son application progressive en l’ancrant dans la réalité du Jura. Il est nécessaire d’inculturer les choses. Dans notre cas, nous avions besoin de repenser les choses pour un monde rural. Ça a été également un gros travail de repenser la gouvernance dans le concret et la réalité du terrain. Nous avons mis des choses en place en renouvelant les organes de discernement, de décision, de vision … Ce qui pour moi fait partie de l’ADN d’un pasteur c’est de regarder comment on accompagne les personnes au long cours.
Les prêtres se réunissent une fois par mois en fraternité sur le même principe que la fraternité des missionnaires diocésains, pour relire, travailler, prier, échanger et se stimuler dans la mission. Le but de ces fraternités est ensuite de créer des “fraternités paroissiales” pour entrer dans une dynamique de fondation dans le diocèse.
Mise en place de fraternités
Les missionnaires diocésains se réunissent en fraternité, une fois par mois. Je les retrouve dans la maison diocésaine pour vivre des 5 essentiels et les former un temps. Ils ont une responsable hiérarchique qui est à leur étage, la communication et le lien est immédiat. Leur accompagnement se fait par le biais de cette fraternité avec de la relecture, de la formation, de l’exhortation, une vie de prière en commun.
J’ai nommé 4 vicaires épiscopaux dont un laïc par manque de prêtres. Ce n’est pas parfait partout. Mon diocèse est divisé en 4 et, pour le moment, dans 3 des 4 lieux, les prêtres se réunissent une fois par mois en fraternité sur le même principe que la fraternité des missionnaires diocésains, pour relire, travailler, prier, échanger et se stimuler dans la mission. Le but de ces fraternités est ensuite de créer des “fraternités paroissiales” pour entrer dans une dynamique de fondation dans le diocèse. Je prépare ma prochaine lettre pastorale sur ce sujet.
L’accompagnement par Talenthéo m’a aidé à prendre le temps d’élaborer une vision, de dire comment on la porte ensemble, comment je la communique et comment j’accompagne les gens dans la durée.
Formation des prêtres du diocèse
Enfin j’ai envoyé neuf prêtres de mon diocèse, et un de mes vicaires généraux faire le Parcours Talenthéo cette année, la plupart étant fidei donum. Ce parcours fait vraiment partie d’une dynamique missionnaire diocésaine. Je souhaite les aider à prendre la mesure des défis pour l’évangélisation de notre pays et essayer de les outiller.
Je crois beaucoup, comme dit le Pape François, à la capacité de rayonnement et de contamination. Un décret épiscopal n’a jamais convaincu personne, c’est plutôt dans la joie, l’enthousiasme et la ferveur de ce qu’on essaye de vivre de façon simple et humble au quotidien que l’on peut convaincre.
Quels sont vos lieux de ressource et de soutien ?
Ma chance, c’est qu’à l’évêché, il y a une très belle qualité de vie fraternelle. On y retrouve toutes les composantes du diocèse : la curie diocésaine et les missionnaires diocésains. On prie ensemble, on mange ensemble et on se croise quasiment tous les jours, ce qui fait qu’il y a une cohésion extrêmement belle. Cela interpelle les personnes qui passent dans la maison. En 18 mois d’épiscopat, j’ai dû faire 9 recrutements pour palier à 7 départs en retraite et 2 départs volontaires. Ça a été l’occasion de renouveler l’équipe et de choisir des profils qui entraient dans ce projet que j’avais pour le diocèse. Je crois beaucoup, comme dit le Pape François, à la capacité de rayonnement et de contamination. Un décret épiscopal n’a jamais convaincu personne. C’est plutôt dans la joie, l’enthousiasme et la ferveur de ce qu’on essaye de vivre de façon simple et humble au quotidien que l’on peut convaincre.
À titre personnel, je m’astreins à des temps de repos réguliers en famille qui sont vitaux pour moi. J’ai également une base arrière spirituelle avec l’abbaye d’Acey, une abbaye trappiste où je sais que je peux être accompagné. L’accompagnement humain et fraternel des deux coachs Talenthéo Stéphane et Nathalie est également très important pour moi car c’est un frère et une sœur qui soutiennent un frère baptisé devenu évêque.
Source: https://www.talentheo.org/post/comment-d%C3%A9velopper-une-vision-pastorale-dioc%C3%A9saine