L’éloge de la petitesse[1]

C’est seulement sur un cœur humble que peut germer l’Esprit de Dieu: La liturgie d’aujourd’hui, parle de petites choses, parle de ce qui est petit, nous pouvons dire qu’aujourd’hui est le jour des petits. « En ce jour-là, un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines[2]

La Parole de Dieu loue le petit. La rédemption, la révélation, la présence de Dieu dans le monde commence ainsi et est toujours ainsi. La révélation de Dieu se fait dans la petitesse. La petitesse, l’humilité et… beaucoup de choses, mais dans la petitesse. Les grands sont puissants, pensons à la tentation de Jésus dans le désert, comme Satan est puissant, maître du monde entier : « Je te donne tout, si tu… ». Au lieu de cela, les choses de Dieu commencent par la germination, à partir d’une semence, de petites choses. Et Jésus parle de cette petitesse dans l’Évangile.

Devenir petit afin que le Royaume de Dieu puisse germer. Jésus s’est réjoui et a remercié le Père parce qu’il s’est révélé non pas aux puissants, mais aux petits et a rappelé qu’à Noël nous irons tous à la crèche où il y a la petitesse de Dieu. C’est donc un appel pressant : Dans une communauté chrétienne où les fidèles, les prêtres, les évêques, ne prennent pas ce chemin de la petitesse, il n’y a pas d’avenir, il va s’écrouler. Nous l’avons vu dans les grands projets de l’histoire: des chrétiens qui ont essayé de s’imposer, avec force, grandeur, conquêtes… Mais le Royaume de Dieu germe dans le petit, toujours dans le petit, la petite semence, la semence de vie.

L’Esprit choisit le petit, toujours, parce qu’il ne peut pas entrer dans le grand, le fier, l’autosuffisant. La révélation du Seigneur s’adresse d’abord au petit cœur. Chacun doit donc se faire petit, même s’il est prêtre, évêque, cardinal, Pape… S’il ne devient pas petit, il ne sera pas un vrai pasteur, mais, au mieux, un simple chef de bureau. Cette invitation à se faire petit s’applique à tout le monde, de ceux qui ont une fonction qui semble plus importante dans l’Église, à la pauvre vieille dame qui fait de la charité en secret.

Je veux éclaircir le champ d’un doute qui pourrait surgir, à savoir que le chemin de la petitesse conduit à la pusillanimité, c’est-à-dire à l’enfermement sur soi-même, à la peur. Au contraire « la petitesse est grande », c’est la capacité de risquer « parce qu’elle n’a rien à perdre ». La petitesse est grande, c’est la capacité de risquer parce qu’elle n’a rien à perdre. Il explique que c’est précisément la petitesse qui conduit à la magnanimité [3], parce qu’elle nous rend capables de nous dépasser en sachant que Dieu lui donne sa grandeur. Et il cite une phrase de saint Thomas d’Aquin, contenue dans sa Somme théologique, qui explique comment un chrétien qui se sent petit doit se comporter face aux défis du monde, afin de ne pas vivre comme un lâche :

Saint Thomas le dit, le résumé est le suivant: « N’ayez pas peur des grandes choses – aujourd’hui saint François Xavier nous le montre aussi – n’ayez pas peur, allez de l’avant ; mais en même temps, en tenant compte des petites choses, car c’est divin ». Un chrétien commence toujours par la petitesse. Si dans ma prière je me sens petit, avec mes limites, mes péchés, comme ce publicain qui priait au fond de l’église, honteux : « Ayez pitié de moi qui suis un pécheur », vous allez continuer. Mais si vous vous croyez un bon chrétien, vous prierez comme ce pharisien qui n’est pas sorti justifié: « Je vous rends grâce, Dieu, parce que je suis grand ». Non, remercions Dieu parce que nous sommes petits.»

Les confessions des enfants sont belles, parce qu’elles racontent des faits concrets: J’ai dit ce mot, par exemple, et il vous le répète. Encore une fois le caractère concret de ce qui est petit. Seigneur, je suis un pécheur parce que je fais ceci, cela, cela, cela, cela, cela…. C’est ma misère, ma petitesse. Mais envoie ton Esprit pour que je n’aie pas peur des grandes choses, que je n’aie pas peur que tu fasses de grandes choses dans ma vie.

[1] Pape François à la messe matinale à la Maison Sainte-Marthe, mardi 3 décembre 2019.

[2] Cf. Is 11, 1-10; Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17

[3] La magnanimité est ce qui pousse à agir de façon désintéressée et avec pleine conscience de ses possibilités, à réaliser ou incarner un idéal. Elle est aussi vertu de clémence, générosité et indulgence envers l’ennemi vaincu, le faible. C’est une vertu exprimée donc principalement en deux sens. Dans le premier, elle a pour synonymes la grandeur d’âme ou l’héroïsme, dans le deuxième, elle a pour équivalents l’empathie ou la pitié.

 

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