Une transformation profonde s’opère dans notre société, dans notre Église. Notre structure ecclésiale, bien adaptée autrefois à la vie d’une autre époque, ne convient plus. C’est ce que l’histoire des peuples, comme celle de l’Église, ne cesse de nous montrer.
Les hommes et les femmes d’aujourd’hui sont en continuelle mutation : entraînés par les événements et l’évolution des techniques, des changements de mentalité apparaissent et révèlent du même coup l’inadaptation des structures anciennes à des situations nouvelles. Il existe de fait une tension permanente entre la vie et l’institution : parce que l’humain est un être vivant, il ne cesse d’évoluer, de s’interroger, de découvrir et d’entreprendre.
Par ailleurs les institutions, indispensables à la vie de la société, ont pour but essentiel de canaliser, d’ordonner et d’organiser cette vie toujours bouillonnante. Sans créativité, l’humain est un mort-vivant ; sans institution, toute société tourne à l’anarchie. Si la tension entre la vie et l’institution est permanente, elle apparaît cependant plus nettement à certains moments, des temps de crise nécessaires à la croissance.
Écoutons Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI : « Malgré tous les changements auxquels on peut s’attendre, la paroisse restera, selon ma conviction, la cellule essentielle de la vie commune. Mais on ne pourra guère maintenir tout le système paroissial actuel, qui d’ailleurs est en partie récent. On devra apprendre à aller les uns vers les autres et ce sera un enrichissement. Comme cela se produit presque toujours dans l’histoire, il y aura à côté de la paroisse des groupements qui, par un charisme particulier, par la personnalité d’un fondateur, maintiendront un cheminement spécifiquement spirituel. Entre la paroisse et le mouvement, un échange plus fructueux est nécessaire : le mouvement a besoin d’un lien avec la paroisse pour ne pas devenir sectaire, la paroisse a besoin des mouvements pour ne pas se pétrifier. De nouvelles formes de vie monacale se sont déjà formées au milieu du monde. » [1]
Nous savons comment dans chaque crise s’affrontent des courants conservateurs et des courants innovateurs. Tandis que les courants conservateurs pensent trouver dans le retour au passé, avec fermeté et intransigeance, le moyen de rétablir l’ordre des choses, les courants innovateurs, conscients de la nécessité d’inventer des structures nouvelles pour répondre à la réalité présente, oublient trop rapidement les acquis de l’expérience du passé.
Maintenant, devant le péril auquel est confronté notre société, les croyants croient trouver la sécurité en remettant à un autre, à un grand chef, le soin de penser, de se faire inspirer par Dieu, et de décider à leur place : ils ont peur des initiatives à prendre. Mais quand on attend tout des autorités civiles ou religieuses, c’est l’enlisement général, ou la tyrannie.
De nos « saintes insatisfactions » partagées, de la conviction que les choses ne sont pas comme elles devraient être et qu’elles pourraient être infiniment meilleures, la paroisse devra se donner, si elle veut survivre, une vision pastorale claire et précise qui l’orientera vers l’accomplissement de la mission du Père : Établir la « civilisation de l’amour ». [2]
[1] A propos des nouvelles « communautés: extrait du livre d’entretiens avec Peter Seewald « Le Sel de la Terre », pages 16.
[2] Esprit prophétique, Paul VI a annoncé, à Noël 1975, l’avènement d’une « civilisation de l’amour ».