Une mystique évangélique du « nous » [1]

La Lettre aux Hébreux dit: « Remémorez-vous ces premiers jours: après avoir reçu la lumière du Christ, vous avez dû endurer une lutte grande et douloureuse […]. En effet […] vous avez accepté volontiers d’être privé de vos biens, sachant que vous possédiez des biens meilleurs et durables. N’abandonnez pas votre franchise — votre parésie, dit-elle — à laquelle une grande récompense est réservée. Tout ce dont vous avez besoin c’est de persévérance [2] pour que, une fois accomplie la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous a été promis » [3].

Ce sont deux mots-clés, mais dans le cadre de la mémoire. Cette dimension « deutéronomique » de la vie: la mémoire. Quand, je ne dis pas un chrétien, mais un homme ou une femme, ferme la clé de la mémoire, elle commence à mourir. S’il vous plaît, la mémoire. Comme le dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux: « Remémorez-vous ces premiers jours… ». Avec ce cadre de la mémoire on peut vivre, on peut respirer, on peut continuer, et porter du fruit. Mais si vous n’avez pas de mémoire… Les fruits de l’arbre sont possibles, car l’arbre a des racines: il n’est pas déraciné. Mais si vous n’avez pas de mémoire, vous êtes un déraciné, une déracinée, il n’y aura pas de fruits. Mémoire: voilà le cadre de la vie.

Voici deux mots-clés du chemin de la communauté chrétienne dans ce texte: parésie et hypomoné. Courage, franchise et supporter, persévérez, portez le poids de tous les jours sur les épaules.

La parésie, dans le Nouveau Testament, manifeste le style de vie des disciples de Jésus: le courage et la sincérité dans le témoignage de la vérité et, en même temps, la confiance en Dieu et dans sa miséricorde. La prière doit aussi être faite avec parésie. Dire les choses à Dieu « en face », avec courage. Pensez à la façon de prier de notre père Abraham, quand il a eu le courage demander à Dieu de « négocier » sur le nombre des justes dans Sodome: « Et s’ils étaient trente … Et s’ils étaient vingt-cinq … Et si ils étaient quinze ?…». Ce courage de lutter avec Dieu! Et le courage de Moïse, le grand ami de Dieu, qui lui dit en face: « Si tu détruis ce peuple, détruis-moi aussi ». Courage. Lutter avec Dieu dans la prière. Il faut de la parésie, la parésie dans la vie, dans l’action et aussi dans la prière.

La parésie exprime les qualités fondamentales de la vie chrétienne: avoir le cœur tourné vers Dieu, croire en son amour [4], parce que son amour bannit toute fausse crainte, toute tentation de se cacher dans une vie tranquille, dans la respectabilité, voire même dans une hypocrisie subtile. Ce sont comme des termites qui rongent l’âme. Il faut demander à l’Esprit Saint la franchise, le courage, la parésie — toujours accompagnée du respect et de la tendresse — en témoignant des grandes et belles œuvres de Dieu, qu’Il accomplit en nous et parmi nous. Et même dans les relations au sein de la communauté, il faut toujours être sincères, ouverts, francs, ni craintif, ni paresseux, ni hypocrites. Non, ouverts. Ne restez pas à l’écart, pour semer la zizanie, murmurer, mais efforcez-vous de vivre comme des disciples sincères et courageux dans l’amour et la vérité. Semer la zizanie, vous le savez, détruit l’Église, détruit la communauté, détruit la vie, parce qu’elle vous empoisonne vous aussi. Et ceux qui vivent de bavardages, qui sont toujours en train de parler les uns des autres, j’aime à dire — je le vois comme ça — qu’ils sont des « terroristes », parce qu’ils parlent mal des autres; mais parler mal de quelqu’un pour le détruire, c’est faire comme un terroriste: il part avec une bombe, il la jette, il détruit, puis il s’en va tranquille. Non. Ouverts, constructifs, courageux dans la charité.

Et puis l’autre mot: hypomoné, que l’on peut traduire comme se soumettre, supporter. Le fait de rester et d’apprendre à habiter les situations exigeantes que la vie nous présente. Avec ce terme, l’apôtre Paul exprime la constance et la fermeté dans la poursuite du choix de Dieu et de la nouvelle vie dans le Christ. Il s’agit de maintenir fermement ce choix, même au prix de difficultés et d’oppositions, sachant que cette constance, cette fermeté et cette patience produisent de l’espérance. C’est ce que dit Paul. Et l’espérance ne déçoit pas [5]. Mettez-vous cela dans la tête: l’espérance ne déçoit jamais! Ne déçoit jamais! Pour l’apôtre, le fondement de la persévérance, c’est l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par le don de l’Esprit, un amour qui nous précède et nous rend capables de vivre avec ténacité, sérénité, positivité, imagination… et aussi avec un peu d’humour, même dans les moments les plus difficiles. Demandez la grâce de l’humour. C’est l’attitude humaine qui se rapproche le plus de la grâce de Dieu. L’humour. J’ai rencontré un saint prêtre occupé jusqu’au cou à faire des choses — il allait, venait… — mais il ne cessait jamais de sourire. Et comme il avait le sens de l’humour, ceux qui le connaissaient disaient de lui: « Mais celui-là, il est capable de rire des autres, de rire de lui-même et aussi de rire de son ombre! ». L’humour c’est comme ça!

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