En ce temps-là, Jésus disait : « À quoi le règne de Dieu est-il comparable, à quoi vais-je le comparer ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre, et les oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches. » Il dit encore : « À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ? Il est comparable au levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Lc 13, 18-21)
Les chrétiens croient-ils vraiment dans la force de l’Esprit Saint qui est en eux? Et ont-ils le courage de jeter le grain de blé, de se mettre en jeu, ou se réfugient-ils dans une pastorale de conservation qui ne laisse pas le Royaume de Dieu grandir? Telles sont les questions qui tracent un horizon d’espérance, pour chaque homme en particulier et pour l’Église comme communauté: celui de la pleine réalisation du Royaume de Dieu, qui a deux piliers: la force explosive de l’Esprit et le courage de laisser cette force se déchaîner.
Le passage évangélique du jour, dans laquelle il semble que Jésus a un peu de difficultés: “Mais comment puis-je expliquer le Royaume de Dieu? A quoi puis-je le comparer?” et il utilise deux exemples simples de la vie quotidienne: ceux de la graine de moutarde et du levain. Ils sont tous les deux petits, ils semblent inoffensifs, mais quand ils entrent dans ce mouvement, ils ont à l’intérieur une puissance qui sort d’eux-mêmes et qui grandit, qui va au-delà, également au-delà de ce qu’on peut imaginer. C’est précisément le mystère du Royaume. Paul, dans la Lettre aux Romains [3], rappelle que la croissance du Royaume de Dieu de dedans, de l’intérieur, est une croissance en tension. Voilà alors que l’apôtre explique: « Que de tensions il existe dans notre vie et où nous conduisent-elles », et il dit que « les souffrances de cette vie ne sont pas comparables à la gloire qui nous attend». Il y a une attente ardente dans ces tensions.
L’homme et la création tout entière possèdent « les prémisses de l’Esprit», c’est-à-dire la force intérieure qui nous fait aller de l’avant et qui nous donne l’espérance de la plénitude du Royaume de Dieu. C’est pourquoi l’apôtre Paul écrit cette phrase qui nous enseigne tant: “Dans l’espérance, en effet, nous avons été sauvés”». Celle-ci est un « chemin », elle est ce qui nous conduit à la plénitude, l’espérance de sortir de cette prison, de cette limitation, de cet esclavage, de cette corruption et d’arriver à la gloire. Et elle est un don de l’Esprit qui est en nous et conduit à cela: à une chose grandiose, à une libération, à une grande gloire. Et c’est pourquoi Jésus dit: “À l’intérieur de la graine de moutarde, de cette petite graine, il y a une force qui déchaîne une croissance inimaginable”. Voilà alors la réalité préfigurée par la parabole: En nous et dans la création — pour que nous allions ensemble vers la gloire — il y a une force qui se déchaîne: il y a l’Esprit Saint. Qui nous donne l’espérance. Et vivre dans l’espérance c’est laisser ces forces de l’Esprit aller de l’avant et qui nous aident à grandir vers cette plénitude qui nous attend dans la gloire.
Voici un autre aspect: le levain n’est pas laissé tout seul. On comprend donc que si le blé n’est pas pris et jeté, ce ne sera qu’un grain. Si nous ne mélangeons pas le levain avec la vie, avec la farine de la vie, il restera seulement le levain. Il faut donc jeter, mélanger, ce courage de l’espérance. Qui grandit, parce que le Royaume de Dieu grandit de l’intérieur, non par prosélytisme. Il grandit avec la force de l’Esprit Saint. A cet égard, je vous rappelle que l’Église a toujours eu aussi bien le courage de prendre et de jeter, de prendre et de mélanger, que, également, la peur de le faire. Et je remarque que très souvent nous préférons une pastorale de conservation, plutôt que de laisser le Royaume grandir. Quand cela se passe ainsi, nous restons ce que nous sommes, tout petits, là; peut-être sommes-nous en sécurité, mais le Royaume ne grandit pas. Alors que pour que le Royaume grandisse, il faut du courage: celui de jeter le grain de blé, de mélanger le levain. Tout cela est contenu dans les paroles de Jésus et de Paul proposées par la liturgie: la tension qui va de l’esclavage du péché à la plénitude de la gloire. Là où il y a l’espérance, il y a l’Esprit Saint. Et c’est précisément l’Esprit Saint qui fait aller de l’avant le Royaume de Dieu. [1]
[1] Pape François, méditation matinale du 31 octobre 2017.