Comment interprétez-vous la forte hausse des baptêmes d’adultes dans votre diocèse, et plus largement en France?
Mgr Benoît Bertrand : D’abord, comme une grande action de grâce pour le don que Dieu nous fait. Je m’en rends d’autant plus compte maintenant que je suis évêque de Pontoise, où il y a eu 400 baptêmes d’adultes cette année, dont de très nombreux jeunes. Il n’y a pas une célébration dominicale sans qu’une personne au moins ne vienne me voir à la fin pour me demander comment faire pour être baptisé.
Il s’agit d’une réalité heureuse, un peu inattendue, dynamique, non polémique, qui se vérifie dans tous les diocèses de France et suscite beaucoup d’enthousiasme, aussi bien chez les prêtres que les laïcs. Mais il faut rester modeste, car d’autres chiffres ne sont pas bons, comme les inscriptions au catéchisme.
Quel est aujourd’hui l’enjeu pour l’Église de France ?
Mgr B. B. : L’enjeu fondamental, c’est la transformation de nos communautés chrétiennes, afin qu’elles deviennent elles-mêmes catéchuménales. Qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord qu’elles soient plus accueillantes, fraternelles, priantes, et témoignent davantage du Christ. Et aussi qu’elles sachent mieux accompagner et incorporer les nouveaux venus, l’objectif n’étant pas seulement de les préparer aux sacrements, mais à la vie chrétienne dans son intégralité.
Ces nouveaux sont-ils une « aubaine » pour bousculer et aider à la transformation de l’Église ?
Mgr B. B. : Oui. C’est ce que j’appelle les « périphéries inversées ». Comment notre communauté chrétienne se laisse-t-elle convertir par ceux et celles qu’elle intègre en son corps ? Ce sont ces nouveaux baptisés, souvent jeunes et très dynamiques, qui nous stimulent pour la mission et l’annonce de l’Évangile.
Avec leurs questionnements, leur soif de radicalité, les jeunes néophytes sont parfois très différents des paroissiens de longue date. Comment leur faire de la place ?
Mgr B. B. : Il faut avoir les bras ouverts et le cœur large, pour les accueillir comme ils sont, avec leur sensibilité, leur histoire, leur culture, leur représentation de Dieu. Ces néophytes arrivent avec une foi originale, neuve, joyeuse, marquée aussi par des souffrances et par la rudesse de la vie. Mais ils osent témoigner de façon décomplexée, ce qui est assez nouveau.
Cela ne risque-t-il pas de déstabiliser les plus anciens ?
Mgr B. B. : Pour l’instant je constate que non. C’est l’action de grâce qui prime, peut-être parce que le phénomène est encore nouveau. D’où l’importance, dans nos paroisses, de proposer aux néophytes des responsabilités, des petites fraternités, des groupes de lecture de la Bible… en lien avec les vieux chrétiens, pour que ces mondes se mélangent et s’apprivoisent. Quand on se rencontre pour une même cause, par exemple le service des pauvres ou la louange, ça fait bouger les lignes de part et d’autre.
Si la tendance se confirme, ces nouveaux baptisés vont prendre une place significative dans les paroisses. À quoi ressembleront les paroisses dans cinq ou dix ans ?
Mgr B. B. : Il y aura peut-être un effet boule de neige, mais nous devons aborder cela avec beaucoup d’humilité, car on est toujours surpris par l’Esprit Saint. D’ailleurs, on a beau ouvrir grand les portes, les catéchumènes passent par les fenêtres !
Une chose certaine, c’est que le travail entrepris actuellement dans de nombreux diocèses, tout comme le concile provincial, qui se tiendra l’année prochaine en Île-de-France (à partir de la Pentecôte 2026 jusqu’à l’été 2027, NDLR), ne sera pas vain. Cela va aider nos communautés à prendre la mesure de ce qui se joue avec ces nouveaux baptisés et à se convertir elles-mêmes. Il y aura de nouveaux visages d’Église.Recueilli par Gonzague de Pontac
Publié dans LA CROIX le 24 juillet 2025 à 10h01
Pour Mgr Benoît Bertrand, évêque de Pontoise (Val-d’Oise) et vice-président de la Conférence de France, l’enjeu pour l’Église face à l’afflux croissant de nouveaux baptisés est non seulement de leur faire de la place mais aussi de se convertir à leur contact.