Les grands et les petits

Tous allaient le trouver, aussi les pharisiens et les docteurs de la loi, mais « avec distance », c’est-à-dire pour le juger, et ils ne se faisaient pas baptiser. Dans l’Évangile de ce jour (Lc 7, 24-300, Jésus demande à la foule ce qu’ils étaient allés voir dans le désert : « Un roseau agité par le vent ? Un homme habillé avec des habits de luxe ? ». Non pas un homme vêtu avec des habits de luxe, parce que ceux qui vivent dans le luxe, sont dans les palais du roi, « quelques-uns dans les évêchés ». Celui qu’ils sont allés voir est en revanche un prophète, « plus qu’un prophète ». Il n’y avait pas d’homme plus grand que Jean, « le dernier des prophètes », parce qu’après lui il n’y a que le Messie.

Arrêtons-nous sur les motifs de cette grandeur : « c’était un homme fidèle à ce que le Seigneur lui avait demandé, un grand, parce qu’il était fidèle. Avec une grandeur qui se voyait aussi dans sa prédication : Il prêchait fortement, il disait des choses dures aux pharisiens, il ne leur disait pas : « mes chers, comportez-vous bien ». Il leur disait simplement « races de vipères« , aussi simplement que ça. Il n’y allait pas avec des nuances. Parce qu’ils se rapprochaient pour contrôler et pour voir, mais jamais avec le cœur ouvert : « races de vipères« . Il risquait la vie, oui, mais lui il était fidèle. Ensuite, à Hérode, en face, il lui disait : « adultère, il n’est pas licite de vivre ainsi, adultère ! » En face ! Mais c’est sûr que si un curé aujourd’hui dans l’homélie dominicale disait : « parmi vous, il y en a certains qui sont race de vipère, et il y a tellement d’adultère », certainement, l’évêque recevrait des lettres de mécontentement : « mais renvoyez ce curé qui nous insulte ! ». Et celui-ci, il insultait. Pourquoi? Parce qu’il était fidèle à sa vocation et à la vérité.

Toutefois, Jean-Baptiste était compréhensif avec les gens : aux publicains, des pécheurs publics parce qu’ils abusaient du peuple, il disait : « ne demandez pas plus que la somme juste ». Il commençait par de petites choses. Ensuite, on verra. Et il baptisait. D’abord ce pas. Ensuite nous verrons. Aux soldats, aux policiers, il demandait de ne pas menacer et de ne pas dénoncer quelqu’un, et de se contenter de leur revenu. C’est un pasteur qui comprenait la situation des gens, et les aidait à aller de l’avant avec le Seigneur. Jean le baptiste a été l’unique des prophètes auxquels a été donné la grâce d’indiquer Jésus.

Bien que Jean fut grand, fort, sûr de sa vocation, il avait aussi des moments sombres, il avait aussi ses doutes. Jean en effet avait commencé à douter en prison, même s’il avait baptisé Jésus, parce qu’il était un Sauveur, mais pas comme il l’avait imaginé. Et donc il envoie deux de ses disciples à lui demander si c’était justement lui le Messie. Et Jésus corrige la vision de Jean avec une réponse claire. Il dit en effet de rapporter à Jean que « les aveugles retrouvent la vue, les sourds entendent, les morts ressuscitent ». Les grands peuvent se permettre de douter, parce qu’ils sont grands.

Les grands peuvent se permettre le doute, et c’est beau. Ils sont sûrs de la vocation, mais à chaque fois que le Seigneur leur fait voir une nouvelle voie, ils entrent dans le doute. « Mais ceci n’est pas orthodoxe, ceci est hérétique, ceci n’est pas le Messie que Moi j’attendais ». Le diable fait ce travail et quelques amis aident aussi, non ? Ceci est la grandeur de Jean, un grand, le dernier de cette chaîne de croyants qui a commencé avec Abraham, celui qui prêche la conversion, celui qui n’use pas de demi-paroles pour condamner les superbes, celui qui à la fin de la vie se permet de douter. Et ceci est un beau programme de vie chrétienne.

Demandons à Jean la grâce du courage apostolique de dire toujours les choses avec vérité, de l’amour pastoral, de recevoir les gens avec le peu qu’ils peuvent donner, le premier pas. Dieu fera l’autre. Et aussi la grâce de douter. Tant de fois, peut-être à la fin de la vie, on peut se demander : “mais c’est vrai, tout ce que j’ai cru, ou ce sont des fantaisies ? » C’est la tentation contre la foi, contre le Seigneur. Que le grand Jean-Baptiste, qui est le plus petit dans le royaume des Cieux, pour cela il est grand, nous aide sur cette voie, sur les traces du Seigneur.

Pape François, homélie du 15 décembre 2016 lors de la messe à la maison Sainte-Marthe.

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