En cinq discours radiodiffusés peu connus à la radio bavaroise en 1969, Joseph Ratzinger le futur pape Benoît XVI exposait sa vision de l’avenir de l’homme et de l’Église. Ces déclarations étaient une véritable prophétie. Il voyait l’Église s’approchant d’une sorte d’agonie, une ère de grave difficulté et de crise. La France sortait alors de son étonnante révolution de mai 68 où il était « interdit d’interdire ». L’Église elle-même connaissait une crise profonde, si grave, que Paul VI évoquait des « fumées de Satan ». Des prêtres nombreux, en Occident, quittaient le sacerdoce. Les grands ordres monastiques, mendiants, apostoliques étaient fortement ébranlés.
On retiendra en particulier la dernière leçon, prononcée le jour de Noël 1969 :
« Nous sommes à un énorme tournant dans l’évolution de l’humanité. De la crise actuelle émergera une Église qui aura perdu beaucoup. Elle deviendra plus petite et devra plus ou moins repartir des origines. Elle ne pourra plus vivre dans les bâtiments qu’elle a construits dans les périodes de prospérité. Avec la diminution de ses fidèles, elle perdra également beaucoup de privilèges sociaux. Elle redémarrera de petits groupes, de mouvements et d’une minorité qui remettra la foi au centre de l’expérience. Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s’arrogera plus de mandat politique, flirtant tantôt avec la gauche et tantôt avec la droite. Elle sera pauvre et deviendra l’Église des indigents. Cela sera un processus long, mais quand toute la souffrance sera passée, émergera la grande force d’une Église plus spirituelle et simplifiée. À ce moment, les hommes découvriront qu’ils vivent dans un monde d’indescriptible solitude, et ayant perdu Dieu de vue, ressentiront l’horreur de leur pauvreté. Alors, et alors seulement, ils verront ce petit troupeau de croyants comme quelque chose de totalement nouveau : ils le découvriront comme une espérance pour eux-mêmes, la réponse qu’ils avaient toujours cherchée en secret. » [1]
D’autres écrits « prophétiques » du futur Benoît XVI présentait la vision qu’il avait de l’avenir de l’Église ; celle-ci paraissait alors très pessimiste. Il prévoyait une telle fragmentation du Corps mystique qu’il le réduisait à un ensemble de petits groupes encore vivaces, mais au milieu d’une décadence généralisée : Peut-être devons-nous dire adieu à l’idée d’une Église rassemblant tous les peuples. « Il est possible que nous soyons au seuil d’une nouvelle ère, constituée tout autrement, de l’histoire de l’Église, où le christianisme existera plutôt sous le signe du grain de sénevé, en petits groupes apparemment sans importance, mais qui vivent intensément pour lutter contre le mal et implantent le bien dans le monde… » [2]
Elle ressemblera moins aux grandes sociétés, elle sera davantage l’Église des minorités, elle se perpétuera dans de petits cercles vivants, où des gens convaincus et croyants agiront selon leur foi. [3] Mais c’est précisément ainsi qu’elle redeviendra, comme le dit la Bible “le sel de la terre ”. « Si la société dans sa totalité n’offre plus d’environnement chrétien, l’Église doit elle-même former des cellules où l’on pourra expérimenter et pratiquer en petit le grand espace de vie de l’Église, en se soutenant, se portant mutuellement, en marchant ensemble ». [4]
[1] Marco Bardazzi. http://vaticaninsider.lastampa.it. 18 février 2013.
[2] Cardinal Ratzinger, entretiens avec Peter Seewald. Le Sel de la terre. Le christianisme et l’Église Catholique au seuil du IIIème millénaire. Flammarion/Cerf, 1997, p. 16.
[3] Ibid, p. 214.
[4] Ibid, p. 215-216.