Je ne vais plus à la messe parce que je n’y ressens plus rien

Notre participation à la messe ne doit pas dépendre de notre sentiment religieux du moment, d’autant plus que le sacrement augmente en nous l’amour pour Dieu et notre prochain. De nos jours, le diktat du « ressenti » contraint les consciences. La spontanéité, l’affectivité sont encouragées dans des proportions jamais vues. Il s’agit par exemple de « liker » sur l’instant le dernier post d’une connaissance sur le réseau social. Cette dérive touche même le domaine religieux au point que le « vécu » est devenu plus important que les leçons du catéchisme. « L’Évangile est une expérience avant d’être une doctrine », entend-on parfois. Selon cette conception de la vie chrétienne, l’abandon et l’effusion du cœur pourraient aisément se passer d’une connaissance rationnelle des mystères de la foi. L’essentiel serait d’aimer Jésus sans pousser plus avant la réflexion. On a appelé ce courant le fidéisme.

Cependant, en privilégiant le ressenti au détriment de toute connaissance catéchétique, le catholique s’expose à être désorienté dès lors qu’il n’éprouve plus aucun sentiment gratifiant durant le culte. S’il reste « sec » tandis que la communauté célèbre les merveilles du Seigneur le dimanche, cela veut-il dire qu’il n’a plus la foi ? S’il n’éprouve plus de chaleur en lui-même à la messe, cela signifie-t-il que les mystères célébrés ne sont pas vrais, ou bien qu’il doit privilégier une autre croyance, ou un autre courant du christianisme, une autre confession ?

Telle est malheureusement la conclusion tirée par certains pratiquants qui misent trop sur le « ressenti ». Selon eux, celui-ci serait la mesure de leur foi : « Si je ne ressens rien, si je reste de marbre, c’est que je n’ai pas ou plus la foi. » Or indexer de la sorte notre foi sur notre affectivité intérieure peut s’avérer un réflexe dangereux. En effet, c’est faire reposer l’option fondamentale de toute notre existence, c’est-à-dire notre foi en Dieu, sur notre intériorité et ce que nous en ressentons. Par là, nous oublions que ce n’est pas nous qui nous donnons la foi, mais que c’est Dieu qui l’instille en nous.

Dieu nous travaille en profondeur depuis notre baptême et bien souvent son action en notre esprit nous demeure cachée.

De plus, le degré de profondeur spirituelle à laquelle la foi agit ne se mesure pas à ce que notre esprit en perçoit. Pourquoi ? Parce que Dieu nous travaille en profondeur depuis notre baptême et bien souvent son action en notre esprit nous demeure cachée. Non seulement Dieu ne s’impose pas, mais de plus, dès lors que nous lui disons « oui », il fait sa demeure en nous en prenant garde de nous déstabiliser tant il tient à respecter notre liberté. Tant et si bien qu’il arrive très souvent que des âmes pleines de Dieu ne se rendent plus compte de sa Présence en elles.

Notre subjectivité n’est pas la mesure de notre foi

Ces considérations sont très importantes pour juger de la portée de notre « ressenti » durant la messe. Avoir du mal à « entrer » dans la célébration du mystère de l’Eucharistie n’est pas le signe que notre foi a « décroché » et que notre place n’est plus dans l’assemblée. Attention à survaloriser notre subjectivité ! Celle-ci n’est pas la mesure de notre foi, et encore moins celle de la vérité du Christ ! Ce n’est pas parce que je n’éprouve aucun sentiment particulier à l’élévation ou durant la consécration que le Christ ne se rend pas véritablement présent au milieu de nous.

Surtout, il est important de se persuader que les sacrements ont pour but d’augmenter la foi et la charité en nous, non de vérifier le degré d’intensité des nôtres à l’instant T ! À la messe, le Christ agit en nous dès les premiers moments de la célébration, et plus encore si nous commuions à son Corps, et cela quel que soit la sensibilité qui est la nôtre sur le moment. Aussi, refuser d’aller à la messe parce que nous n’y avons rien éprouvé le dimanche précédent est-il tout à fait contre-indiqué. Ce n’est pas à nous d’augmenter notre foi et notre charité, c’est Dieu qui s’en chargera. N’inversons pas l’ordre de la cause et des effets. Le plus important c’est la cause (Dieu), non les effets (mon ressenti ou mon absence de ressenti) — même si l’entretien de la foi nécessite ma bonne volonté.

De plus, comme il est dit plus haut, la foi et la charité ne sont pas indexées sur le ressenti. Une mère de famille n’est pas constamment en transe, ce qui ne l’empêche pas de s’occuper de ses enfants tous les jours de son existence, de se dévouer sans discontinuer. Pareillement, nous n’avons pas besoin d’être en ébullition spirituelle pour manifester notre affection à Jésus en nous rendant à la messe.

Jean-Michel Castaing – publié le 29/07/23 dans Aleteia.

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