Jésus s’adresse aux gens de sa génération (Matthieu 24, 37-44). Une génération qui se pensait plus évoluée que les générations précédentes.
Pour bien montrer leur supériorité, ils avaient l’habitude de se comparer à la génération de Noé. Dans la Genèse, le déluge est présenté comme une punition. Dieu aurait puni leur méchanceté. Seul Noé et un petit reste s’en serait sorti indemne. Ce récit a été repris par la tradition juive qui en a fait une lecture moralisante. Les rabbins juifs avaient coutume de dramatiser la situation. Ils insistaient sur le péché plutôt que sur le salut qui vient de Dieu.
Vivre sur le pilote automatique
Contrairement aux rabbins de son temps, Jésus ne parle pas de péché. Il ne dit pas qu’ils ont commis le mal en tant que tels. Il les présente comme des gens ordinaires, qui vivaient une vie ordinaire : ils mangeaient, ils buvaient, ils prenaient femme ou mari. Ils vivaient sur le pilote automatique, sans trop se poser de questions.
C’est justement le reproche que Jésus leur fait. Il dit qu’ “ils ne se sont doutés de rien, jusqu’au déluge qui les a tous engloutis”.
De nos jours, on assiste au même phénomène.
Les mêmes patterns qui se répètent
Dernièrement, j’ai écouté une série dans laquelle les gens, sans le savoir, étaient plongés dans un sommeil profond. Le problème dans tout ça, c’est qu’ils n’arrivaient plus à distinguer le rêve de la réalité. Ils ne se doutaient de rien. On avait beau leur dire de se réveiller, ils étaient prisonniers des mêmes patterns qui se répétaient constamment.
La même chose risque de nous arriver, si on ne prend pas au sérieux les paroles de saint Paul qui nous dit : “c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil” (Romains 13, 11). Il nous dit que le salut est à portée de main, que Dieu est à nos portes. Mais pour y arriver, il faut savoir remettre en question ce que l’on vit, pour éviter de tomber dans les mêmes patterns émotionnels. Par moments, il faut savoir distinguer nos sentiments de nos pensées. Remarquez ce dont il parle : il nous parle de beuverie, de luxure, de rivalité et de jalousie. Vous aurez compris que ce sont des comportements instinctifs, quasi automatiques, qu’on réalise sous le coup de l’émotion. Il n’y a pas grand place pour la réflexion.
Si on regarde attentivement chacune de nos vies, on s’apercevra qu’il y a bien des choses que l’on fait et qui sont difficiles à expliquer de manière rationnelle. On les fait de manière automatique, sans trop réfléchir. On réagit sous le coup de l’émotion.
Dans l’Évangile, Jésus nous invite à veiller. C’est d’abord une invitation à veiller sur nous-mêmes, à surveiller nos motivations, nos intentions. Ce n’est pas quelque chose qui vient naturellement.
Par moments, on est tellement attachés à nos habitudes, à nos façons de faire, que le Seigneur doit employer la méthode forte.
Jésus veut s’introduire dans nos vies
Jésus utilise l’image du voleur pour nous le faire comprendre. À l’époque de Jésus, les maisons étaient faites en pierre cuite. Les voleurs pouvaient soit creuser un trou dans un mur, soit défoncer la porte. Le but était de créer une ouverture pour s’introduire dans la maison.
D’une certaine manière, Jésus veut agir de la même façon. Il veut profiter des situations de tension ou de transition pour s’introduire dans nos vies. Il veut saisir la plus petite occasion, la moindre ouverture qui se présente, pour nous rendre visite à l’improviste et nous faire réfléchir.
Habituellement, Jésus ne défonce pas la porte. Il frappe avant d’entrer. Il agit avec fermeté et douceur. Il vient faire chez nous sa demeure. C’est le mystère que nous nous préparons à célébrer. C’est le mystère de Noël.
Voici que Jésus se tient à la porte et qu’il frappe : si quelqu’un entend sa voix et ouvre la porte, il viendra chez lui, il soupera avec lui et il fera chez lui sa demeure. Amen.
(Homélie prononcée le dimanche 27 novembre 2022 à la Basilique-Cathédrale Notre-Dame-de-Québec, Québec, Canada)