Il y a des chrétiens qui éprouvent une certaine allergie à l’égard des prédicateurs de la parole : ils acceptent la vérité de la révélation mais pas le prédicateur, préférant une vie en cage. Cela est arrivé à l’époque de Jésus et cela continue malheureusement à arriver aujourd’hui encore chez ceux qui vivent renfermés sur eux-mêmes, car ils ont peur de la liberté qui vient du Saint-Esprit. Sur le passage de l’Évangile de Matthieu (11, 16-19), Jésus compare la génération de ses contemporains « à ces enfants assis sur les places qui s’adressent à leurs autres compagnons et disent : nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé, nous avons chanté des chants de deuil et vous n’avez pas pleuré ». À ce propos, je vous rappelle que, dans les Évangiles, le Christ parle toujours bien des enfants, les offrant comme modèle de la vie chrétienne et invitant à être comme eux pour entrer dans le royaume des cieux. En revanche, dans le passage en question, c’est l’unique fois où il ne parle pas tellement bien d’eux. Il s’agit d’une image d’enfants « un peu spéciaux : mal élevés, grossiers même » ; des enfants qui ne savent pas être heureux pendant qu’ils jouent et qui refusent l’invitation des autres : rien ne leur plaît. Il existe un aspect intéressant dans cette attitude : leur refus, précisément, n’est pas pour le message, il est pour le messager. Il suffit de poursuivre la lecture du passage évangélique pour en avoir la confirmation.
Jean est venu, qui ne mange pas et ne boit pas et ils ont dit : il est possédé par un démon. Le Fils de l’homme est venu, qui mange et boit, et ils disent : voilà un mangeur et un buveur, ami des publicains et des pécheurs. En pratique, depuis toujours, les hommes trouvent des motifs pour délégitimer le prédicateur. Il suffit de penser aux personnes de l’époque, qui préféraient se réfugier dans une religion un peu élaborée : dans les préceptes moraux, comme les pharisiens ; dans le compromis politique, comme les saducéens ; dans la révolution sociale, comme les zélotes ; dans la spiritualité gnostique, comme les esséniens. Tous, avec leur système bien propre, bien fait, mais qui n’accepte pas « le pécheur ». Voilà pourquoi Jésus rafraîchit leur mémoire en rappelant les prophètes, qui ont été poursuivis et tués. Accepter la vérité de la révélation et non le prédicateur révèle une mentalité fruit d’une vie enfermée dans les préceptes, dans les compromis, dans les plans révolutionnaires, dans la spiritualité sans chair. Je pense à ces chrétiens qui se permettent de ne pas danser quand le prédicateur leur donne une belle nouvelle de joie, et se permettent de ne pas pleurer quand le prédicateur leur donne une triste nouvelle. C’est-à-dire, à ces chrétiens qui sont enfermés, en cage, qui ne sont pas libres. Et le motif est la peur de la liberté du Saint-Esprit, qui vient à travers la prédication.
Pape François, méditation matinale du 13 décembre 2013.