La première des raisons qui fait que les gens ne viennent pas à l’église c’est déjà un grand manque de foi en Dieu, un manque de foi très généralisé. Il faut avoir l’audace et le réalisme, mais sans aucune discrimination, de reconnaître qu’il y a beaucoup d’hommes et de femmes et de jeunes qui ne croient pas en l’existence d’un Dieu transcendant. C’est une constatation de base que très peu de gens acceptent de faire. Parce que dans notre pensée Française, voire Européenne, c’est très discriminatoire de dire que quelqu’un n’a pas la foi. Or, en toute rigueur, il n’y a là rien de discriminatoire. Quelqu’un qui me dit : je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas lui dire : tu es croyant sans le savoir. Ce n’est pas vrai, on ne peut pas. Par ailleurs, beaucoup de gens disent : celui là ne pratiquait pas, mais il était beaucoup plus croyant que certains qui pratiquent. Ils veulent dire qu’il était très bon, très généreux, très solidaire. Parce qu’on rattache très souvent la conscience de l’existence de Dieu à une vie morale. Or, il y a beaucoup d’hommes et de femmes qui sont athées ou agnostiques et qui ont une vie morale très très belle. Ce n’est pas du tout incompatible.
Seulement, leur vie morale n’est pas reliée à quelqu’un auquel ils croiraient, puisqu’ils n’y croient pas ! À mon avis, c’est la première acceptation du réel, et ils sont très rares ceux qui l’acceptent dans l’Église. Dieu a créé l’Homme à son image ? Pour le croyant Oui ! mais c’est justement le fait de le reconnaître ou de ne pas le reconnaître qui distingue un croyant d’un incroyant. Il n’y a aucune connotation de moralité ou d’immoralité. C’est une attitude de l’esprit de l’homme : Ou bien je crois qu’il y a un être transcendant que je peux nommer Dieu, ou bien je n’y crois pas. Il faut accepter cette réalité comme une vérité qui se vit beaucoup aujourd’hui et avec beaucoup de monde. Cela n’a rien à voir avec quelque chose d’anti-religieux. Si de plus en plus de gens ne vont pas à l’église c’est pour la simple raison qu’ils ne croient pas en Dieu.
Combien de fois, j’ai eu l’occasion de voir des jeunes me disant : ne me dit pas, comme tous les curés que je rencontre, que j’ai la foi sans le savoir. Je réponds toujours : je ne te dirai jamais ça, parce que avoir la foi sans le savoir est un non-sens : on ne peut pas vivre en communion avec Jésus sans le savoir. Vivre les valeurs Évangéliques, oui. Mais avec Jésus, non. Il faut croire en Jésus pour cela.
La deuxième raison pour laquelle les gens sont éloignés de l’église, concernent des gens qui croient mais qui ne vont pas pour autant à l’église. Une des grandes raisons c’est qu’ils ne sont pas attirés par l’amour que l’Église devrait montrer… et qu’elle ne montre pas. On rencontre actuellement une demande massive de baptêmes chez les adultes. Mais, une constatation que très peu de gens acceptent, et qui fait pourtant partie du réel : 80% de ces baptisés adultes ne pratiquent plus dès la première année. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sentent plus dans la paroisse où ils sont, la chaleur fraternelle qu’ils avaient dans le groupe de catéchuménat où ils étaient préparés. Quand ils se retrouvent dans une paroisse habituelle, où ils sont seuls à être nouveaux baptisés, ils ne s’y retrouvent plus. Ils viennent quelques Dimanches, puis ils abandonnent. De manière plus générale, parmi ceux qui croient, nombreux sont ceux qui ne pratiquent pas parce qu’ils ne trouvent pas assez de témoignages de la vie Évangélique dans l’Église.
Que ce soit de la part des prêtres ou des laïcs. Ils ne sentent pas d’amour. Ils ne voient pas ce que la pratique religieuse change dans la vie concrète de la personne. Quelqu’un qui communie ou qui célèbre et qui ne montre pas d’amour, et de pardon, et de dépassement et d’espérance, on peut dire en le voyant vivre : à quoi ça sert d’aller à la messe ? Nous sommes à la veille du temps de Noël, quelle magnifique occasion de conversion nous avons ! C’est à dire, nous tourner vers Dieu, nous laisser faire par la grâce que Jésus nous donne, pour passer de Monsieur tout le monde au disciple de Jésus. Avec cette question : Seigneur Jésus, montre-moi ce qui dans ma vie aujourd’hui est vraiment imprégné par ta présence, ou ce qui ne l’est pas du tout. Et dans un fait de vie où j’ai réagis comme ça, comment j’aurais réagi si je n’avais pas la foi en toi ? Seigneur Jésus réveille-nous !
Amen.
Entretiens avec le frère Pierre, moine et prêtre Prémontré du monastère de Sarrance en vallée d’Aspe.